La Fin De L épopée

Le modèle économique des Cormorans de 1970 à 1985

La fin d'une époque dorée

Il y a encore quelques années, la pêche portait à bout de bras l'économie de villes portuaires du Sud-Finistère. Faisant vivre des milliers et des milliers de personnes. Ce temps est révolu et certaines agglomérations ont toujours du mal à s'en remettre. Même si d'autres activités sont apparues. La Cornouaille est, de loin, la plus touchée. Auparavant St Guénolé était un port aujourd'hui St Guénolé a un port...la nuance est de taille.
Effet induit par cette régression-transformation économique : les Comorans en subiront l'impact tardivement et brutalement. Guillaume TANNEAU, Président de 77 à 83, en mesure les effets, mais le mal est déjà fait. Jean-Pierre LE BRUN à son arrivée à la Présidence en 83 n'aura d'autre choix que d'imposer des mesures drastiques.

Les années 70 : corrélation entre vigueur économique locale et football

Penmarch vivait essentiellement de la pêche à l'époque. À cette époque, peu d'adolescents se torturaient l'esprit quand il s'agissait de choisir un métier. La pêche était encore une valeur sûre. Au terme d'une année passée sur les bancs des écoles d'apprentissage maritime, ils embarquaient à la pêche. D'autres poursuivaient leurs études à Audierne, Saint-Malo ou Nantes pour devenir officier ou mécanicien.
Puis la ressource a commencé à piquer du nez. La profession, poussée par Bruxelles, a dû se résoudre à respecter des quotas puis à casser des bateaux. Et les quais se sont vidés. On se souvient de l'électrochoc du plan Mellick qui a détruit 10 % de la flottille. Ce qu'on sait moins, c'est que l'hémorragie s'est poursuivie. Plus régulière. Sans faire de vague. Penmarc'h n'a pas fait fait exception à la (douloureuse) règle ...

Côté football, dans les années 70, les apporteurs de fonds du club étaient surtout les patrons pêcheurs qui étaient nombreux, avec une activité économique florissante, comme les gros mareyeurs tel Furic qui, lors du match du siècle, a payé une tournée à la mi-temps pour fêter la victoire alors qu'un patron pêcheur passait en même temps dans les vestiaires Penmarchais pour promettre une grosse prime de match afin de motiver les troupes (source Pierre Boënnec). Le calendrier sportif des Supporters des Cormorans rapportait énormément d'argent, chaque bateau y mettait son obole (il y en avait environ 150 à Kerity et St Guénolé).

Pas de régulation finançière des clubs

En division 3 (le 3eme niveau National de l'époque équivalent de National 1 aujourd'hui) de 1975 à 77, les Cormorans, comme beaucoup d'autres clubs amateurs, vivaient les plus belles pages de leur histoire sans se préoccuper plus que cela de leur lendemain..
Côté "contrôle des finances" par la fédération, c'est simple, à cette époque cela n'existait pas. Il faudra attendre 1990, et pas mal d'expériences malheureuses dans l'hexagone (la faillite et la disparition de clubs au cours d’une saison généraient des distorsions en termes de nombre de matches joués par chaque équipe) pour que la FFF (Noël Le Graët) mette en place un outil de contrôle financier des clubs de football. La mission principale de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) est de s’assurer en toute indépendance de la solvabilité des clubs pour l’ensemble d’une saison à venir.
La N3 est contrôlée par la Ligue, au dessus de ce niveau c'est au siège de la Fédération à Paris, au 87 boulevard de Grenelle, dans le 15e arrondissement, que se rendent chaque saison les représentants des clubs. Ils sont "auditionnés" au moins trois fois par an (quand tout va bien) et doivent justifier au centime près des écarts entre les comptes prévisionnels et le réalisé.

Les années 80 : Plus d’associations à Penmarc'h, beaucoup moins de revenus liés au secteur de la pêche. C’est l’effet ciseau pour les Cormorans.

La manne financière des Cormorans a diminué de façon insidieuse entre 73 et 85 ... Pas de plan social "visible", tout s'est fait en silence. Équipage par équipage. Nombreux aussi sont ceux qui sont partis à la retraite. Reste que l'économie locale a sérieusement trinqué. La baisse du poids des bateaux, le retour à un statut amateur pour le club et la nécessité d'attirer des joueurs puisque les jeunes ne se fixaient plus localement, tout cela a serieusement changé la donne.
D'autres leviers de financement ont disparu parmi lesquels :
Le bal masqué du 31 : Un bal organisé traditionnellement par les Cormorans à Pendreff. Il se tenait chaque 31 décembre à la Caravelle, à l’emplacement de l’actuel LIDL. Organisée par les CSP cette manifestation était plébiscitée et faisait rentrer pas mal d’argent dans les caisses du club. A la fin des années 80 le club à abandonné son organisation.
Le calendrier des Cormorans s’est également étiolé jusqu’à disparaître. Les commerçants ne donnaient plus qu'un an sur deux voir davantage. La multiplication du nombre d'associations Penmarchaises a augmenté les sollicitations et ils ne pouvaient pas répondre à toutes. La manne qui était attribuée auparavant aux seuls Cormorans a fondu comme neige au soleil... Autres temps, autres mœurs.

1985 : Il fallait trouver maintenant d'autres annonceurs. Facile à énoncer, plus complexe à réaliser. Au sein du club, l’enthousiasme militant était retombé comme un soufflet après la crise sportive et les descentes successives des Cormorans. Personne n'avait plus envie de s'y (re)mettre. Les volontaires pour le démarchage des commerçants se comptaient sur les doigts d’une seule main, la période faste était passée. Ceux qui « restaient sur le pont » on dû donner un sérieux tour de vis aux charges du club. Souvent hélas au grand dam de celles et ceux qui regardaient (et parfois regardent encore ) cela de loin, de trop loin. Sans comprendre réellement les enjeux économiques (augmentation des charges, baisse des recettes) auxquels étaient confrontés les Cormorans. Heureusement, Keryet (héritage des ançiens) était propriété des Cormorans et garantissait, aux yeux des banquiers...la survie du club.
Voilà nos Cormorans au creux de la vague, avec une concurrence sportive désormais locale, ce qui n’arrangeait pas vraiment leurs affaires : avec des présidents de clubs-voisins mareyeurs et principaux apporteurs de fonds : Furic au Guilvinec, Pêcheries de Loctudy, Jacky Souron à l'AS Plobannalec-Lesconil , Pêcheries de St Guénolé, Jean-Pierre Le Brun aux Cormorans. Tous ces mareyeurs embauchaient également des joueurs. La CCI (Criée) était aussi partie prenante à l'embauche (Lappart, Variel, Ollivier) les municipalités également. Tout cela a fait long feu ...
Non sans douleurs, une (belle) page sportive se tournait...

DES CHIFFRES POUR ÉTAYER NOS OBSERVATIONS

Données démographiques : En1968 Penmarc'h comptait 7 320 habitants et recensait une quarantaine d'associations loi 1901 parmi lesquelles, les Cormorans, étaient et de très loin, la plus importante. En 2020 Penmarc'h comptait 5 139 habitants, soit une baisse de 35 %, et recensait 80 associations, soit le double. Ces données à elles seules témoignent de l'évolution importante de l'écosystème dans lequel s'inscrivent les Cormorans.

Données économiques et effets sur l'emploi des jeunes.
L’évolution de l’emploi des jeunes à Penmarc’h entre 1970 et 1985 n’est pas facile à mesurer, car il n’existe pas de données spécifiques portant sur la commune lors de cette période. Cependant, on peut se baser sur quelques éléments de contexte pour avoir une idée générale.

Au niveau national, le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans est passé de 6,2 % en 1970 à 21,8 % en 1985, soit une augmentation de 15,6 points. Cette forte hausse s’explique par la crise économique, la concurrence internationale, le ralentissement de la croissance, le vieillissement de la population active, etc.

Au niveau régional, la Bretagne a connu une évolution similaire, avec un taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans qui est passé de 5,9 % en 1970 à 20,9 % en 1985, soit une augmentation de 15 points. La région a été touchée par la crise de l’agriculture, de la pêche, de l’industrie agroalimentaire, etc.

Au niveau local, Penmarc’h a subi le déclin de la pêche, qui était le principal secteur d’activité de la commune. Le port de Saint-Guénolé, qui était le premier port sardinier de France dans les années 1970, a vu sa production chuter de 80 % entre 1972 et 1983. Les emplois liés à la pêche ont fortement diminué, entraînant le départ de nombreux habitants.
La population de Penmarc’h est passée de 6 921 habitants en 1975 à 6 463 habitants en 1982, soit une baisse de 6,6 %. On sait que ce fléchissement se poursuit depuis.
On peut donc supposer que l’emploi des jeunes à Penmarc’h a suivi la tendance nationale et régionale, et qu’il a été particulièrement affecté par la crise de la pêche. Il est probable que le taux de chômage des jeunes à Penmarc’h ait augmenté de manière significative entre 1970 et 1985, mais il n’existe pas de chiffres précis pour le confirmer.

Les effets sur la "clientèle jeune" des Cormorans sont évidents : des jeunes tenus de quitter le territoire pour se former ou pour trouver un emploi. La création du groupement Jeunes Cap Caval en 2006 (Cormorans Sportifs de Penmarc' + Gars de Plomeur) démontre des capacités d'adaptation du club à cette réalité démographique et économique.

Conclusion

En 1920 l'unité élémentaire géographique était "le port" et les premiers Cormorans étaient "les gars de St gué" rapidement devenus les Cormorans de St Guénolé. Un an plus tard, le périmètre s'élargissait et devenait Penmarc'h. Les Cormorans Sportifs de Penmarc'h.
Aujourd'hui l'unité élémentaire géographique n'est plus la ville mais le territoire Sud Bigouden. Les jeunes évoluent déjà depuis une dizaine d'années au sein du "Groupement CAP CAVAL" ....
Les Cormorans n'échappent (n'échapperont ?) pas au phénomène de "regroupement" qui touche tant les entreprises que les associations qui veulent survivre en s'adaptant à leur environnement.